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sábado, 20 de marzo de 2010

Guillaume Apollinaire


Ejercicio

A una aldea en la retaguardia
cuatro artilleros marchaban
de los pies a la cabeza
envueltos en polvo estaban

Iban mirando los campos
conversaban del pasado
y se daban vuelta apenas
cuando un obús había hablado

Los cuatro del dieciséis
hablaban de antaño y no el porvenir
y así se alargaba la ascesis
que los adiestraba para morir

Guillaume Apollinaire, Roma, 1880 – París, 1918
Versión © Gerardo Gambolini
imagen: s/d


Exercice

Vers un village de l'arrière
S'en allaient quatre bombardiers
Ils étaient couverts de poussière
Depuis la tête jusqu'aux pieds

Ils regardaient la vaste plaine
En parlant entre eux du passé
Et ne se retournaient qu'à peine
Quand un obus avait toussé

Tous quatre de la classe seize
Parlaient d'antan non d'avenir
Ainsi se prolongeait l'ascèse
Qui les exerçait à mourir



Siempre

A Madame Faure-Favier

Siempre
iremos más lejos sin avanzar jamás
y de planeta en planeta

de nebulosa en nebulosa
el don Juan de los mil y tres cometas
aún sin moverse de la tierra
busca las fuerzas nuevas
y toma en serio a los fantasmas

Y se olvidan tantos universos
cuáles son los grandes hacedores de olvido
quién sabrá entonces hacernos olvidar tal o cual parte del mundo
dónde está el Cristóbal Colón a quien deberemos el olvido de un continente
Perder
Pero perder de verdad
Para dar lugar al hallazgo
Perder
La vida para hallar la Victoria

Guillaume Apollinaire, Roma, 1880 – París, 1918
Versión © Gerardo Gambolini


Toujours

À Madame Faure-Favier

Toujours
Nous irons plus loin sans avancer jamais
Et de planète en planète

De nébuleuse en nébuleuse
Le don Juan des mille et trois comètes
Même sans bouger de la terre
Cherche les forces neuves
Et prend au sérieux les fantômes

Et tant d'univers s'oublient
Quels sont les grands oublieurs
Qui donc saura nous faire oublier telle ou telle partie du monde
Où est le Christophe Colomb à qui l'on devra l'oubli d'un continent
Perdre
Mais perdre vraiment
Pour laisser place à la trouvaille
Perdre
La vie pour trouver la Victoire

jueves, 18 de febrero de 2010

Guillaume Apollinaire


En el jardín de Anna

Ciertamente, si hubiéramos vivido en mil setecientos sesenta
esa es la fecha que descifraste Anna en ese banco de piedra
y yo por desgracia hubiese sido alemán
pero estuviera por suerte cerca de ti
habríamos hablado de amor de manera imprecisa
casi siempre en francés
y tomada de mi brazo con pasión
me habrías escuchado hablarte de Pitágoras
pensando también en el café que tomaríamos
media hora después

y el otoño se habría parecido a este otoño
que el berberis y los pámpanos coronan

y a veces, de repente, yo habría saludado en voz muy baja
a damas nobles lánguidas y gordas

habría paladeado lentamente y a solas
durante largas veladas
el espeso tokay o la malvasía
me habría puesto mi traje español
para irme por el camino por donde viene
en su vieja carroza
mi abuela que se niega a entender el alemán

habría escrito versos llenos de mitología
sobre tus senos la vida campestre
y las damas de la comarca

habría roto a menudo mi bastón
sobre el lomo de un campesino

habría amado escuchar música
comiendo jamón

habría jurado en alemán te lo juro
cuando me sorprendieras besando en la boca
a esa criada pelirroja

tú me habrías perdonado en el bosque de mirtos

yo habría canturreado un momento
luego habríamos escuchado un buen rato los ruidos del crepúsculo

Guillaume Apollinaire, Roma, 1880 – París, 1918
Versión © Gerardo Gambolini
imagen: Dutailly, Homme et femme conversant dans un jardin

Dans le jardin d’Anna

Certes, si nous avions vécu en l’an dix-sept cent soixante
Est-ce bien la date que vous déchiffrez Anna sur ce banc de pierre
Et que par malheur j’eusse été allemand
Mais que par bonheur j’eusse été près de vous
Nous aurions parlé d’amour de façon imprécise
Presque toujours en français
Et pendue éperdument à mon bras
Vous m’auriez écouté vous parler de Pythagoras
En pensant aussi au café qu’on prendrait
Dans une demi-heure

Et l’automne eût été pareil à cet automne
Que l’épine-vinette et les pampres couronnent

Et brusquement parfois j’eusse salué très bas
De nobles dames grasses et langoureuses

J’aurais dégusté lentement et tout seul
Pendant de longues soirées
Le tokay épais ou le malvoisie
J’aurais mis mon habit espagnol
Pour aller sur la route par laquelle
Arrive dans son vieux carrosse
Ma grand-mère qui se refuse à comprendre l’allemand

J’aurais écrit des vers pleins de mythologie
Sur vos seins la vie champêtre et sur les dames
Des alentours

J’aurais souvent cassé ma canne
Sur le dos d’un paysan

J’aurais aimé entendre de la musique en mangeant
Du jambon

J’aurais juré en allemand je vous le jure
Lorsque vous m’auriez surpris embrassant à pleine bouche
Cette servante rousse

Vous m’auriez pardonné dans le bois aux myrtilles

J’aurais fredonné un moment


Puis nous aurions écouté longtemps les bruits du crépuscule